Usages informationnels 2023 : le web et la participation déclinent, les plateformes visuelles progressent (Youtube, TikTok, Instagram…)
Le web, formidable outil d’échange et de démocratisation de la vie publique décline irrémédiablement. Ce sont désormais les plateformes video de divertissement qui mènent la danse.
Le très attendu Digital news Report 2023 est paru. C’est la plus vaste enquête en matière d’usages informationnels à travers le monde. Près de 94.000 personnes ont été interrogées dans 46 pays représentants les cinq continents. Voici douze de ses enseignements majeurs :
1. Le web décline depuis 2018
Sur l’ensemble des marchés, seuls un cinquième des répondants (22 %) préfèrent commencer leur parcours d’actualités avec un site web ou une application, soit une baisse de 10 points depuis 2018. Les 18-24 ans accèdent plutôt aux actualités via les médias sociaux, la recherche ou les agrégateurs mobiles (Apple news, Upday sur Samsung, Google news, Google Discover…)
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2. Youtube et TikTok : là où les jeunes s’informent
Facebook reste l’un des réseaux sociaux les plus utilisés dans l’ensemble, mais son influence sur le journalisme diminue à mesure qu’il se détourne des nouvelles. Il est également sévèrement challengé sur l’information par YouTube et TikTok. Le réseau social chinois touche 44 % des 18-24 ans sur tous les marchés et 20 % pour les actualités.
3. Influenceurs et célébrités y détrônent les journalistes
En ce qui concerne les actualités, le public déclare accorder plus d’attention aux célébrités, aux influenceurs et aux personnalités des médias sociaux qu’aux journalistes de réseaux tels que TikTok, Instagram et Snapchat. Cela contraste fortement avec Facebook et Twitter, où les médias d’information et les journalistes sont toujours au centre de la conversation.
4. Hiérarchie de l’information : méfiance !
Une grande partie du public est sceptique quant aux algorithmes utilisés pour sélectionner ce qu’ils voient via les moteurs de recherche, les médias sociaux et d’autres plateformes. Moins d’un tiers (30 %) disent que le fait d’avoir des histoires sélectionnées sur la base de leur consommation précédente est un bon moyen d’obtenir des nouvelles, soit 6 points de moins qu’en 2016.
Pourtant, les utilisateurs préfèrent les actualités sélectionnées de cette manière à celles choisies par les journalistes (27%). Leurs inquiétudes concernant les algorithmes rejoint donc une préoccupation plus large concernant les biais de sélection de l’information.
5. La participation se meurt
Moins de personnes participent désormais aux informations en ligne que par le passé récent. Seuls 22 % participent activement, et environ la moitié (47 %) ne participent pas du tout aux actualités. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, la proportion de participants actifs a diminué de plus de 10 points de pourcentage depuis 2016. Dans tous les pays, les actifs sont plutôt des hommes instruits et plus partisans dans leurs opinions politiques.
6. La confiance en l’information recule encore
La confiance dans les informations a encore diminué, dans tous les pays : moins 2 points l’année dernière. Ceci annule dans de nombreux pays les gains réalisés au plus fort de la pandémie de coronavirus. En moyenne 40 % des citoyens interrogés déclarent faire confiance à la plupart des informations, la plupart du temps. La Finlande reste le pays avec le niveau de confiance globale le plus élevé (69%). En France la confiance est l’une des plus basses du monde : 30% (38e place sur 46).
La consommation des médias traditionnels, tels que la télévision et la presse écrite, continue de baisser dans la plupart des pays, la consommation en ligne et sociale ne comblant pas l’écart.
Les consommateurs en ligne accèdent aux actualités moins fréquemment que par le passé et sont également moins intéressés. Moins de la moitié (48 %) des citoyens de tous pays se disent désormais très ou extrêmement intéressés par les actualités, contre 63 % en 2017. En France, ce chiffre est de seulement 36% (59% en 2015).
Cette tendance n’est hélas pas nouvelle et était déjà pointée par le rapport Edelman de l’an dernier (et beaucoup d’autres avant) :
7. L’évitement des nouvelles toujours très haut
La proportion de ceux qui évitent les nouvelles, souvent ou parfois, reste proche des sommets historiques à 36 % en moyenne pour tous les pays. Ceux qui évitent les nouvelles sont les plus intéressés par le journalisme positif ou axé sur les solutions.
- Environ la moitié des évitants (53 %) essayaient de le faire de manière générale ou périodique – par exemple, en éteignant la radio lorsque les informations sont diffusées. Ce groupe comprend de nombreux jeunes et des personnes moins scolarisées
- Un deuxième groupe tend à éviter les nouvelles en prenant des mesures plus spécifiques. Cela peut impliquer de consulter moins souvent les actualités (52 % des évitants), par exemple en désactivant les notifications mobiles, ou en ne vérifiant pas les actualités le soir
- Un 3e groupe occulte certains sujets d’actualité (32 % des évitants) comme la guerre en Ukraine ou les actualités sur la politique nationale
Il est amusant et intéressant de constater que les sujets évités dépendent beaucoup de son bord politique, comme le montre le graphique ci-dessous (coupé pour ne montrer que les sujets les plus contrastés) :
8. L’inquiétude face à la désinformation s’accentue
Plus de la moitié (56 %) des citoyens de tous les pays s’inquiètent de pouvoir distinguer les informations vraies des fausses sur internet, en hausse de 2 points par rapport à 2022.
Ceux qui déclarent utiliser les médias sociaux comme principale source d’information sont beaucoup plus inquiets (64%) que les personnes qui ne l’utilisent pas du tout (50 %). L’utilisation des médias sociaux ne suscite pas forcément plus de désinformation, mais accentue la défiance en l’information. La plus grande exposition aux fakes et la médiatisation de ces dernières sur ces plateformes et expliquent ce sentiment.
Notre dépendance à l’égard des médias sociaux continue de croître, mais une variété croissante de plateformes est désormais en concurrence pour servir différents besoins, les informations devenant souvent moins centrales dans leur fonctionnement.
Les nouvelles plateformes comme Instagram et TikTok, avec plus de contenu visuel, sont mieux optimisées pour les jeunes utilisateurs, mais elles nécessitent souvent des investissements plus sur mesure de la part des éditeurs avec peu de retour en termes de trafic ou de revenus.
Avec le développement de l’intelligence artificielle (IA) et l’automatisation, les éditeurs devront se concentrer plus que jamais sur la définition de la manière dont ces intermédiaires peuvent aider à attirer de nouveaux utilisateurs et à approfondir leur liens avec eux.
9. Les abonnements payants atteignent un palier
Certains signes indiquent que la croissance du paiement des informations en ligne pourrait se stabiliser. Sur un panier de 20 pays plus riches, 17% ont payé pour toute information en ligne – le même chiffre que l’année dernière. La Norvège (39%) a la proportion la plus élevée de ceux qui paient, avec le Japon (9%) et le Royaume-Uni (9%) parmi les plus faibles. En France, cette proportion est stable à 11%.
Parmi ceux qui ont résilié leur abonnement au cours de l’année, le coût de la vie ou le prix élevé a été le plus souvent cité comme raison. Aux États-Unis, en Allemagne et en France, environ la moitié des non-abonnés déclarent que rien ne pourrait les persuader de payer pour des informations en ligne, le manque d’intérêt ou la valeur perçue restant des obstacles fondamentaux.
10. « The winner takes all »
Comme les années précédentes, une grande partie des abonnements numériques sont engrangés par quelques marques nationales haut de gamme. Mais dans un certain nombre de pays, dont la France, la majorité des payants souscrivant un abonnement supplémentaire (voire plusieurs). Cela reflète la dynamique d’offres à prix réduits ainsi que l’introduction de forfaits tout accès dans certains pays.
En France, Le Monde avec ses 547 journalistes a le plus haut niveau d’abonnés purs numériques (près de 500 000 cette année), soit une augmentation de 25 % par rapport à l’année dernière. Le Figaro et ses 500 journalistes compte 275 000 abonnés 100% numériques contre 250 000 l’an dernier et le pure-player Mediapart, avec ses 73 journalistes, fait état de 210 000 abonnés.
Malgré ces réussites, près de la moitié (47 %) des non-payeurs français déclarent que rien ne pourrait les inciter à payer pour des informations en ligne, et 29 % déclarent qu’ils pourraient reconsidérer leur décision si le coût était moins élevé. Dans la pratique, les éditeurs ont plutôt tendance à augmenter les prix pour couvrir les coûts et compenser la moindre rentabilité des abonnements numériques par rapport aux abonnements papier (jusqu’à huit fois moins rentables).
11. Le format texte domine toujours, mais la video progresse
La majorité des utilisateurs en ligne déclarent qu’ils préfèrent toujours lire les actualités plutôt que de les regarder ou de les écouter. Le texte offre plus de rapidité et de contrôle dans l’accès aux informations, mais dans quelques pays, comme les Philippines et la Thaïlande, les personnes interrogées déclarent désormais préférer la vidéo au texte. La consommation d’actualités vidéo n’a cessé de croître sur tous les marchés, la plupart des contenus vidéo étant désormais accessibles via des plateformes tierces telles que YouTube et Facebook.
12. Les podcasts d’actualité séduisent les publics jeunes et instruits
Les podcasts d’actualité continuent de trouver un écho auprès des publics instruits et plus jeunes, mais restent une activité minoritaire.
Environ un tiers (34 %) écoutent un podcast tous les mois, et 12 % accèdent à une émission relative à l’actualité. Les podcasts approfondis, inspirés du Daily du New York Times, ainsi que les émissions de chat, telles que The Joe Rogan Experience, sont les plus largement consommés sur tous les marchés. Les podcasts d’actualités vidéo ou hybrides sont aussi de plus en plus populaires.
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Cyrille Frank
Directeur de la formation et de la transformation numérique chez CosaVostra
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