Mediarama : Le secret d’un podcast qui marche, c’est sa longévité

Pour émerger dans la masse des podcasts, chacun cherche le bon sujet, le bon traitement. Mais ce qui compte tout autant, c’est de perdurer !

Le vrai secret d’un podcast qui marche : sa longévité
Usages informationnels 2023 : le web et la participation déclinent, les plateformes visuelles progressent (Youtube, TikTok, Instagram…) Par ici, en avant !

Lorsqu’on lance son podcast, on cherche bien sûr à se démarquer de la masse de podcasts déjà existants. Seuls 36% des podcasts sur Apple Music, la plus grande plateforme d’écoutes, ont plus de 10 épisodes. Voyez-vous où l’on veut en venir ?

La concurrence est rude sur le podcast et les chiffres vertigineux : en 2023, on répertorie 2,6 millions de podcasts sur Apple Podcasts et 5 millions sur Spotify

Alors, évidemment, pour émerger chacun cherche le bon sujet, le bon traitement et l’originalité du propos. Mais au-delà de la qualité même de votre production – qui est requis – ce qui compte sans doute tout autant, c’est qu’il puisse s’installer dans le temps.

Le format induit naturellement une série

La plupart des plus grandes références du podcast en France et à l’international ont un point commun : lancées depuis plusieurs années, elles n’ont jamais cessé de diffuser des épisodes.

Les premiers succès américains Serial (depuis 2014) et This American Life (2006) cumulent respectivement 77 et 800 épisodes.

En France, Transfert réunit 300 épisodes depuis 2016 ; Génération Do It Yourself en est à 340 depuis 2017 ; et Bliss Stories à 245 depuis 2018.

Cette longévité du format serait inhérente au podcast. Le groupement des éditeurs de contenus et services en ligne (GESTE) s’est mis d’accord sur une définition consensuelle du podcast en 2023 : “un programme audio sous forme d’épisodes ou de séries disponible en ligne pour une écoute à la demande”. 

Il est donc explicitement entendu qu’un podcast est un contenu décliné en série. Après peu importe que la série soit : 

  • une succession d’interviews sans lien, 
  • une seule et même histoire racontée au fil de l’eau, 
  • ou même plusieurs mini-histoires avec un point commun.

Parlerait-on d’un podcast pour la diffusion d’un seul épisode ? Pas certain.

Un « tsunami » de podcasts, mais combien sont actifs ?

Le volume de podcasts référencés sur les plateformes d’écoutes peut intimider. Et pourtant, beaucoup ne sont plus actifs. La masse serait donc beaucoup moins effrayante si l’on ne comptabilisait que les podcasts qui continuaient de publier régulièrement de nouveaux épisodes. 

Les plateformes d’écoutes n’ont pas la main pour supprimer ou mettre de côté les podcasts qui ont arrêté de publier depuis longue date. Tant que le créateur maintient l’hébergement de son flux RSS, le podcast reste disponible. 

D’où la notion de “podcasts actifs” qui permet de faire ce tri.

En février 2023, Rob Walch, le vice-président de la plateforme Lisbyn les définissait de cette manière dans Les Echos : « (…) les podcasts actifs, c’est-à-dire avec plus de 10 épisodes, dont un au moins sorti il y a moins de 90 jours».

Or, le nombre de ces « podcasts actifs » est réduit. En avril 2021, sur les 2 millions de podcasts alors disponibles sur Apple Podcasts, 26% n’avaient publié qu’un seul seul épisode. Et seulement 36% en avaient sorti plus de 10.

En 2023, les statistiques du moteur de podcasts Listen Notes montraient que sur les 2,5 millions de podcasts disponibles, seuls 12% avaient diffusé un nouvel épisode.

Analyse de la répartition du volume de podcasts référencés sur Apple Podcasts en 2021, en fonction du nombre d’épisodes publiés

Sans parler du fait que qu’entre 2020 et 2022, le nombre de nouveaux podcasts a diminué de 80%, toujours selon Listen Notes.

Penser le long terme, dès l’origine

Au moment de se lancer, il est utile de se poser la question : 

  • Est-ce que le concept est voué à se décliner sur un nombre limité d’épisodes, avec un début et une fin ?
  • Est-ce que le concept peut se décliner à l’infini (ou presque) ?

Dans le cas d’une série limitée (sur 6 épisodes par exemple), cela peut être plus difficile de la faire vivre dans le temps. Excepté si votre contenu est froid et qu’il ne répond pas à une actualité marquée. Cela peut être le cas des podcasts narratifs qui racontent une histoire intemporelle, par exemple.

Même si votre concept peut se décliner mais que vous ne produisez que 2 épisodes, il y a peu de chance pour que le succès arrive. Le podcast demande un effort différent. C’est un marathon, pas un sprint.

Quels sont les avantages à produire à long terme ? Pourquoi la longévité est facteur de succès ?

  • Être découvert : pour ressortir de la masse des podcasts disponibles sur les plateformes, le long terme est votre allié. Les plateformes mettent en avant certains podcasts plus que d’autres : contrairement à ce que l’on imagine, le critère n’est pas le volume d’écoutes mais la progression (en %) des écoutes. Sur Apple Podcasts par exemple, vous aurez plus de chances d’être mis en avant si vous passez de 0 à 100 écoutes journalières que de 2500 à 3000 écoutes journalières. En publiant régulièrement, vous augmentez vos chances d’être découvert – ce qui est, disons le, l’étape la plus importante pour le podcast.
  • Se différencier : plus vous publiez d’épisodes, plus le public a de matières pour comprendre ce que vous proposez. Quels sujets vous traitez ? Quel type d’invité vous recevez ? Un premier épisode n’est pas forcément représentatif de tout votre podcast : plus vous en diffuserez, plus vous serez explicite sur votre ligne éditoriale et plus vous marquerez votre différence.
  • Être écouté : pour donner envie aux auditeurs de cliquer sur vos épisodes pour lancer la lecture, votre historique est un atout. Imaginez-vous arriver sur un podcast dont le titre vous intrigue. En cliquant sur sa vignette, vous découvrez qu’il n’y a qu’un seul épisode, qui date de plusieurs années. Vous y allez, vous ? Vous devez susciter la curiosité avec vos épisodes.
  • Fidéliser : un podcast qui sort un épisode tous les jours a en moyenne un taux de fidélisation de 4,2. Pour les podcasts qui publient un seul épisode par mois, le taux de fidélisation passe à 2,3 (source : Acast). L’acteur suédois Acast mesure régulièrement le taux de fidélisation des applications d’écoutes en calculant le nombre moyen d’épisodes écoutés par un auditeur unique chaque mois. Selon eux, le taux de fidélisation “indique la santé du podcast. En effet, plus il est élevé, plus ses auditeurs vont générer des écoutes et plus sa pertinence publicitaire augmente« . Dans ses baromètres, Acast classe les plateformes d’écoutes en fonction de leur taux de fidélisation. 
Extrait du Baromètre Acast (Avril-Juin 2023) à propos du taux de fidélisation des applications d’écoutes
  • Engager : en écho à la pratique du long format des médias ou des créateurs de contenus qui publient régulièrement, on remarque que plus le format est régulier, plus les publics sont engagés. Si Hugo Décrypte engage une si grande communauté, c’est aussi parce qu’il publie son résumé des actualités chaque jour, sans faute. Dans le podcast natif, il se crée une relation spéciale entre le créateur et son public.

Un podcast qui dure, c’est donc autant de chances d’être découvert, de se différencier, d’être écouté, de fidéliser et d’engager. Si aujourd’hui, on parle de « binger » un podcast, comme on « binge » une série télévisée, ce n’est pas pour rien. 

Comment faire durer son podcast le plus longtemps possible ?

1. Choisissez le bon sujet

  • Choisissez un sujet qui vous plaise. Parce que vous allez y passer des heures, donc il faut être sûr que ce ne soit pas une lubie de passage. 
  • Après, vous n’êtes pas obligé d’être un expert du sujet, tout dépend de l’angle et de l’histoire que vous racontez. Prenons l’exemple du podcast Super Green Me où Lucas Scaltritti joue justement de son positionnement de novice. Dans La Martingale, Matthieu Stefani assume également son manque de connaissances pour aller interroger des professionnels des finances personnelles.
  • S’il s’agit d’un sujet qui vous passionne et que vous maîtrisez, vous devriez déjà avoir de la matière. C’est le cas du podcast Passion Médiévistes dont le nom parle de lui-même ou du podcast Le Panier sur le e-commerce.
  • Si vous êtes une marque, vous n’avez pas obligation de produire un podcast qui traite exactement de votre domaine d’expertise. Votre angle éditorial peut être plus large ou justement un aspect de votre territoire d’expression. Dans tous les cas, vous devez être légitime à vous exprimer sur le sujet. On peut prendre l’exemple du podcast The Edge de TAG Heuer qui parle de dépassement de soi au travers du sport, de l’art ou de l’entrepreneuriat (on n’y parle pas de montres).
  • Adoptez un sujet qui tienne dans le temps. Le podcast n’est pas un levier pertinent pour une campagne de communication à un instant « T ». Il faut que ça corresponde à un vrai territoire d’expression de la marque (une valeur, un positionnement, une prise de parole d’un des publics) sans surfer sur une occasion de communication. C’est ce qui va permettre au podcast de se décliner quasi à l’infini. C’est le cas du podcast Paper Club de la marque Club Funding par exemple.
  • Mutualisez les idées. Si vous avez plusieurs idées pour un podcast et que vous avez dans l’idée d’en créer plusieurs, voyez plutôt comment les rassembler dans un seul et même flux. L’objectif n’est pas d’aborder des sujets complètement différents, ni de démultiplier les formats dans un même podcast, mais de concentrer vos efforts.
  • Ne considérez que les podcasts actifs comme concurrents. Quand vous faites votre benchmark, regardez bien le nombre d’épisodes produits par la concurrence. Si vous voulez lancer un podcast sur la plongée sous-marine et que vous voyez déjà 10 podcasts sur le sujet, ne désespérez pas. Commencez par regarder le nombre de podcasts qui ont plus de 3 épisodes et vous serez surpris. Ce qui vous démarquera sera la richesse et la diversité de vos contenus. Par contre, si vous voyez que 90% des podcasts sur le même sujet ont plus de 10 épisodes et sont lancés depuis au moins 1 an, notre conseil est de trouver un angle plus spécifique pour vous faire une place.

2. Adoptez le bon rythme de diffusion

  • Planifiez un rythme de diffusion que vous estimez tenable. Ne cherchez pas à sortir un épisode par semaine si déjà vous n’avez pas une demi-journée à y consacrer par semaine au moins ! Estimez le temps que vous êtes capable d’y consacrer. On a vu beaucoup de créateurs tout donner pendant 2 mois avant de ne plus donner de signe de vie pendant 6 mois. 
  • Accordez vous des pauses si besoin. Beaucoup de producteurs s’astreignent à diffuser en continu, sans pause : c’est l’idéal, mais ce n’est pas une obligation, ni un facteur de succès absolu. Il vaut mieux parfois faire une pause de 2 mois pour réfléchir à son format, à sa stratégie et prendre le temps de bien retravailler sa programmation, que de produire juste pour produire (ce qui peut parfois amener à faire des épisodes moins qualitatifs et moins intéressants).

3. Organisez-vous

  • Réservez une plage horaire dans votre agenda pour le travail sur le podcast : 1 demi journée minimum par semaine. Il faut anticiper que les étapes de programmation et de communication demanderont aussi un peu de temps en continu (30 minutes par jour par exemple).
  • Faites-vous accompagner sur une ou plusieurs étapes si ça vous prend trop de temps ou si c’est une compétence sur laquelle vous ne voulez pas / pouvez pas vous former. Beaucoup de personnes nous demandent si on est obligé de se former au montage ou à la prise de son, et la réponse est : non. Si vous ne le souhaitez pas (parce que pas de curiosité ou pas d’intérêt pour votre carrière), vous pouvez passer par une agence, un studio ou une personne en freelance.

En conclusion, avant de vous lancer dans un podcast, projetez-vous. Voyez-le comme un média qui prend de la valeur dans le temps. Soyez donc sûr de pouvoir y consacrer du vôtre pour tenir ce marathon !

Laura Pironnet, Podcast Production Manager chez CosaVostra