Google Discover est devenu crucial pour le trafic web, mais encore une énigme pour beaucoup. J’ai interrogé les meilleurs experts français qui ont accepté de livrer leurs méthodes et astuces.

Google Discover : les clés pour maîtriser cette “boîte noire”, cruciale pour le trafic
Google Discover : les clés pour maîtriser cette “boîte noire” devenue cruciale pour le trafic Par ici, en avant !

Qu’est-ce que Google Discover ?

Si l’on en croît les quelques éditeurs éditeurs interrogés, Discover représenterait déjà 70 à 80% de leur trafic Google. Problème : ils considèrent un peu le moteur de recommandation comme une “boîte noire”. Impossible d’en décrypter vraiment le fonctionnement. Mais d’abord, c’est quoi Google Discover ?

Il s’agit d’un flux d’articles proposés depuis 2018 par Google sur mobile (Mac et Android) et sur Chrome (ou sur l’application Google). Une vingtaine ou plus de sujets vous sont proposés sur la page d’accueil de Chrome, sous la barre de recherche par mots-clés. 

Il se distingue de Google actualités qui est un onglet ou une sous rubrique “à la une” de la recherche sur mobile et PC, ou une application en soi à télécharger sur mobile. Même si Google Actu intègre aussi Discover dans la partie “pour vous”. En ce sens, pour Benoît Campagne, responsable éditorial web du Particulier.fr, Discover est une “surcouche” de Google Actus.

A droite Google Actu se distingue de Discover à gauche et au centre.

La première grosse différence de Google Discover est qu’il s’agit donc de contenus qui sont poussés et non sollicités par les utilisateurs (ce qu’on appelle du “push” par opposition au “pull”, en bon langage marketing). 

La deuxième est qu’il s’agit de propositions personnalisées au maximum. Votre historique de navigation et vos recherches Google influencent ce que vous voyez apparaître, tout comme l’ensemble de vos données partagées au sein de l’environnement Google (Maps, Calendar, Youtube….). 

Virginie Clève, consultante en stratégie digitale, experte notamment du référencement, précise :

“Google Discover sait si tu es en vacances grâce à Google calendar et Google Maps, il va te proposer des contenus actu différents.”

Elodie Mandel, directrice du Pôle Féminin chez Unify Group, confirme cette ultra-personnalisation qui prend aussi en compte les signaux sociaux : les partages sur Facebook ou Twitter par exemple.

Autre grande distinction vis-à-vis de Google Actualités : Discover propose plusieurs formats (articles, vidéos, images) sur une variété de sujets comme les loisirs, le sport ou les voyages…

Enfin, Discover s’appuie sur un index de sites beaucoup plus vaste que celui trié sur le volet de Google News. Même un petit site confidentiel mais très pointu sur les montres de luxe peut remonter chez les passionnés de ce sujet.

Comment optimiser sa présence sur Google Discover ?

Beaucoup d’éditeurs et de responsables SEO semblent désarçonnés et ont tendance à considérer Discover comme une “boîte noire”. Nos trois experts ne partagent pas cet avis. Pour Virginie : 

“Ce n’est pas tant que ça une boite noire”, mais c’est une technologie qui demande beaucoup de temps, d’efforts, de compétences et de méthode pour en tirer parti”.

Virginie, Benoît et Elodie nous révèlent les critères les plus importants pris en compte par Google pour afficher les contenus sur Google Discover. Ils nous livrent, en sus, leur méthodologie de travail.

1. Choisir les bons sujets et les bons angles

On revient aux fondamentaux : connaître sa cible et ses besoins.

Il est plus que jamais crucial de déceler ce qui intéresse vos publics. Scrutez ce qui émane de “l’air du temps”, des études (la préoccupation environnementale par exemple). Tenez compte de la conjoncture économique (regain d’inflation et problèmes sur le pouvoir d’achat), ou sociale (fronde anti-gouvernementale)…

Pour ce faire, pour pouvez aussi utiliser l’outil d’analyse des tendances Google, regarder avec attention ce que les gens consultent sur votre site (élargissez votre recherche aux 50, voire aux 100 premières pages  pour déceler les signaux faibles et les points de concordance).

Lire les commentaires sur les réseaux sociaux ou les forums pour savoir ce qui intéresse les internautes ou les questions qu’ils se posent.

👉 Il faut garder les commentaires, surtout les plus stupides !

Selon Benoît, le travail se fait de manière empirique :

“Je tâche de repérer les sujets qui montent et qui sont en résonance avec l’actualité (discours, rapport, mobilisation) sur nos thématiques succession, donation, famille argent”.

Virginie, elle aussi insiste sur la nécessité de coller au mieux aux besoins du moment. 

“Pendant le confinement, les gens avaient du temps à domicile : beaucoup de requêtes tournaient autour de la cuisine, comment faire du pain. Après le déconfinement, cette ’audience s’est effondrée – les gens n‘avaient plus envie de lire ça. Ils ne pensaient plus qu’à sortir, aller dans le café etc.”

Virginie ajoute que ces besoins varient non seulement dans le temps, mais aussi dans l’espace :

“Ces besoins varient fortement d’une thématique ou d’un marché à l’autre. Par exemple, chez nous le prime time web est autour de 20h-21h. Chez les Suisses, c’est plus tôt. Les comportements sont différents aussi selon les saisons, les moments de la journée. L’algorithme de Discover ultra-personnalisé va s’adapter aux usages locaux.”

2. Peaufiner l’édition des articles

Le titre doit être accrocheur, les surtitres clairs, le choix de la photo lisible sur mobile en tout petit.

L’édition pour Discover ressemble beaucoup à celle qu’on pratique sur les réseaux sociaux : incitative, car il s’agit d’une proposition éditoriale non demandée par le mobinaute

Discover, c’est comme les têtes de gondole des supermarchés, versus la recherche qui s’apparente davantage aux rayons où vous retrouvez le pack de lait dont vous avez besoin.

Le début du titre doit être assez explicite, car il sera coupé (65-70 premiers signes). Il doit contenir le sujet et le début de l’angle (autant que possible).

Autre astuce : Google aime bien les chiffres dans le titre (y compris de date ou d’horaires ! me précise Virginie).

Elodie confirme que le titre de Google Discover n’est pas le titre « sec » pur SEO, ni même un peu plus narratif de Google Actu. Il s’ajoute un peu plus de texture.

Mais Elodie adapte la titraille à la ligne et au ton de chaque marque média. Plus le titre est long et plus on peut qualifier les événements et raconter une histoire, mais il faut aussi veiller à ne pas tomber dans l’excès racoleur qui peut abimer une marque.

Mieux encore, Elodie adapte la titraille au canal de diffusion prioritaire : s’agit-il d’un sujet/d’un angle parfait pour Google Discover ? On va alors titrer long et accrocheur et mettre en place un dispositif pour pousser la popularité de ce contenu (soutien via push mobile/newsletter/homepage, voir point 7)

Ou s’agit-il plutôt d’un article de fond, froid mais nécessaire pour le référencement classique ? Dans chaque cas, la titraille et mise en forme seront différentes.

3. Soigner le timing de publication

Publiez vos contenus au bon moment ! En évitant le ventre mou de 15h. Car, si personne ne clique, c’est un très mauvais signal pour Google.

Pour Elodie, « il faut caler les horaires de publication aux horaires de consommation du public : anticiper la publication le matin par exemple pour apporter l’info quand les les gens en sont friands (au moment du petit-déjeuner par exemple ou dans les transports en commun NDLR). Mais cela signifie aussi parfois publier plus tard. D’où l’importance d’une « gare de triage » qui gère le workflow : le rôle joué par les éditeurs de page d’accueil avec les rédacteurs en chef web.

Cela implique aussi d’adapter la longueur des articles à la disponibilité des lecteurs. Inutile de publier votre article de 10.000 signes, le matin à 8h30, quand les gens sont dans le métro.

J’avais moi-même mis l’accent sur la question de la disponibilité mentale des lecteurs selon le moment de la journée. Celle-ci peut varier évidemment beaucoup d’un individu à l’autre selon son métier, ses goûts, ses modes de déplacement… 

Toutefois, je distingue deux grands types d’information : celles qui servent à se socialiser, et celles que l’on consulte pour soi (pour se faire plaisir, pour s’enrichir, pour s’ouvrir sur le monde…).

Les premières doivent être courtes, efficaces : il s’agit juste de ne pas être largué et de pouvoir alimenter la conversation sociale. Les secondes doivent être beaucoup plus longues, profondes et pointues sur nos sujets d’intérêt ou de passion.

Les infos de socialisation sont plutôt le matin (avant d’arriver au bureau), à midi (déjeuner avec ses amis, ses collègues sauf si on est asocial) et le soir avant de quitter le bureau (sorties du soir). 

Les infos pour soi, c’est plutôt le soir après le dîner et le week-end (même si on peut aussi voir ses potes). Mais ces grandes règles ne fonctionnent sans doute que pour un lectorat urbain et pour de l’actu générale. J’ai eu l’occasion de travailler récemment pour de la presse agricole : les horaires et les besoins ne sont pas du tout les mêmes !

4. Acquérir de l’autorité sur sa thématique

Si vous souhaitez émerger sur Google Discover, il vous faut apparaître comme un véritable expert sur certaines thématiques.

Google évalue les sources dignes de confiance. Sur les infos très importantes, il y en a un par pays assure Virginie Clève : catastrophe, élection par ex. A mesure que l’importance du sujet décroît, le nombre de sources autorisées augmente. Cela rappelle les niveaux de gravité appliqués par l’AFP pour hiérarchiser l’information.

Ex: après la mort de Michael Jackson, les premiers sites people qui ont traité le sujet sont remontés sur Google Actu. Mais à mesure que des sites généralistes comme Le Monde se sont emparés du sujet, plus moyen de remonter sur l’agrégateur de news. Il y avait un filtre d’autorité manuel qui bloquait  – ce genre de site ne pouvait remonter sur ce sujet brûlant.

Même chose pour le décès d’Elisabeth II, Discover a pioché quelques formats lives sur certains sites seulement en récupérant seulement une partie de Google Actus.

Il y a eu toutefois quelques ratés. Certains se rappellent peut-être de RT et Sputnik qui émergeaient bien sur Google news avant d’être priés par l’Union européenne d’aller diffuser leur venin déstabilisateur ailleurs. Il faut dire que ces sites brouillaient les pistes avec la « stratégie sur la Tour Eiffel » : la publication régulière de contenus à fort potentiel d’audience et inoffensifs qui rassuraient l’algorithme de Google.

5. Proposer des contenus réguliers et consistants sur les mêmes sujets

Benoît à mis au point une stratégie qui fonctionne bien. Il exploite la très riche matière des hors-séries dont il étale la publication dans le temps sur plusieurs semaines. Google Discover est sensible à la pertinence qu’il mesure aux taux de clic, aux partages et à la popularité de ces contenus. Mais le moteur de recommandation mesure aussi la régularité de publication sur un sujet donné

Cela lui permet d’affiner sa note d’autorité sur ce sujet (outre l’ancienneté et la notoriété de la marque média, critères classique de Google Search).

Ainsi, en publiant régulièrement des contenus riches et populaires sur une même thématique, le Particulier se positionne comme expert récurrent, ce qui assoit son autorité sur ses sujets de prédilection. 

6. Booster les taux de clics grâce aux newsletters

Pour accroître la popularité visible des contenus qu’il publie, Benoît à une autre astuce. Il se sert de la puissance de la newsletter du Particulier.fr adressée à des lecteurs fidèles qui se sont inscrits spontanément.  

Chaque lot d’articles publiés sur une thématique précise est suivi d’un relais de ces articles dans la newsletter de la semaine. Les taux de clics élevés et massifs sur ces articles sont un message direct pour Google Discover : “ici nous avons des contenus denses et chauds” (populaires sur un temps court).

Car il est important que la popularité soit forte et soudaine : Google Discover cherche à vous proposer ce que vous ne devez pas rater, ce dont tout le monde parle sur vos sujets d’intérêt. Si votre trafic est régulier mais lent, vous remontrez peut-être dans le search, mais pas dans Discover.

7. Diffuser sur tous les canaux et actualiser au fil de l’eau

Elodie, elle, recommande plus globalement de publier vos contenus sur tous les canaux : la home du site, les réseaux sociaux, la newsletter, le « push notification » sur mobile dans la demi-heure qui suit.

Et d’actualiser au fil de l’eau les contenus qui accrochent : enrichir un papier, rajouter des liens, rééditer le chapô, voire changer le titre (mais pas l’url évidemment).

« Le travail commence quand l’article est publié. Les contenus coûtent cher à produire, il faut leur donner un maximum de visibilité pour rentabiliser l’effort. Au bout de deux jours votre contenu est mort si on ne le travaille pas. Si vous faites ce travail en continu, votre contenu peut fonctionner une semaine. Et sur des articles à forte audience, le gain est significatif ».

Y compris Changer le titre ? Oui, mais à condition que ce soit au bon moment, quand le trafic du sujet commence à décliner, pour le raviver et lui donner un maximum de visibilité. Cela implique un monitoring fin en temps réel avec des outils en temps réel comme Chartbeat ou Google Analytics (bien tagué).

8. Être irréprochable sur le plan technique

Evidemment, votre site devra être parfaitement adapté au mobile : responsive ou adaptatif, rapide à charger, clair et stable sur le plan de l’expérience utilisateur (attention à la taille des polices trop petites, à l’usage de javascripts, aux pop-ups publicitaires/marketing) etc. 

Bref, il faudra se conformer à ce que Google appelle les “Core web vitals” –  les signaux vitaux essentiels de votre site web. A niveau de popularité des contenus équivalent, les sites les plus efficaces seront privilégiés.

Pour Elodie Mandel, attention à la résolution des images (en 1200px de large), mais aussi à leur lisibilité.

Regardez ce que donne votre visuel chargé sur une miniature mobile ! L’agrément du visuel a lui aussi un impact : il faut éviter apparemment les visuels sur fond noir et leur préférer un environnement plus chatoyant. Il faut bannir absolument les visuels « prétexte » insipides et répétitifs (ex, la tirelire en petit cochon pour parler finances personnelles)

9. Instaurer une méthode d’analyse

Elodie commence par réaliser un audit technique du site en scrutant la Search console, Google Analytics ou tout autre outil d’analyse d’audience. Elle récupère les données sur 18 mois, afin de comprendre les évolutions du trafic, les tops sujets, les top rubriques, les taux de clics moyens.
L’idée est de s’imprégner de la ligne éditoriale du site, et d’identifier ses points forts : les sujets sur lesquels on peut travailler une audience.

Evidemment selon elle, toutes les thématiques ne sont pas d’égal intérêt pour Discover qui valorise particulièrement le people, le sport, la politique, la finance personnelle.

D’où la nécessité de travailler toutes ses sources de trafic pour ne pas être trop dépendant d’une seule. Facebook reste puissant, les newsletters sont très importantes, sans oublier Google Actu ou le SEO classique qu’il ne faut pas négliger.

Virginie, elle aussi passe au crible toutes les données d’audience et croise avec les contenus produits :

“Il faut analyser tous les angles qui ont fonctionné, regarder les impressions et taux de clic, exporter le tout sur Excel. Puis croiser ces données avec la taille des articles, l’heure de publication, les modifications effectuées sur les articles, l’éditing des titres et de la titraille… Ceci permet d’identifier des points récurrents.”

C’est long, fastidieux. Il faut recourir à des tonnes de macros, de formules. « Pas facile car l’extraction se fait 1000 par 1000 sur la Google Search Console ».

Problème : les changements réguliers dans l’algorithme Google. L’irruption de l’intelligence artificielle dans les algos Google depuis 2019 a compliqué la donne. Pour Virginie :

“Les changements sont de plus en plus fréquents sur 30 jours, sur lesquels Google ne communique pas. C’est l’AI qui pilote depuis 3 ans maintenant, ils voient les effets de bord de leurs changements, ils corrigent après. »

10. Mettre en place l’organisation ad hoc

On l’a vu en filigrane à travers tous les conseils précédents. Tirer parti de Google Discover nécessite de s’intéresser de très près aux besoins des utilisateurs et de s’adapter à leur mode de vie. Publier le bon contenu, l’éditer de manière accrocheuse au bon moment, au bon format, sur le bon canal.

Cela nécessite déjà de produire les contenus quand ils sont les plus consultés : plus tôt le matin et plus tard le soir. Ce qui implique une rotation des équipes et une excellente coordination entre les éditeurs de page d’accueil et les journalistes/SR.

Cela signifie aussi qu’il faut prendre autant de temps à diffuser et actualiser les contenus qu’à les produire. Ce suivi de l’actualité est contraignant, ne serait-ce qu’en termes d’horaires. Mais tout le monde n’a pas vocation à faire ce travail. Il faut aussi s’adapter aux envies et qualités de chaque journaliste. Certains sont plus doués et motivés pour produire des dossiers froids et profonds.

D’autres s’amusent davantage à diffuser et optimiser ces contenus. Comme dans une équipe de rugby, chaque profil a sa place dans une rédaction. Le succès dépend beaucoup de l’animation du rédacteur en chef (d’orchestre).

CONCLUSION

On le voit, Google Discover n’est pas tant une « boîte noire » que cela. C’est une technologie qui certes complique la donne des éditeurs en matière de référencement. L’âge d’or du SEO facile est révolu. Celui où un éditing par mots-clés, une masse de contenus et un bon maillage vous assurait les premières places sur Google pour longtemps.

Mais la bonne nouvelle, c’est que Discover génère aussi plus facilement de l’abonnement car c’est un trafic beaucoup plus qualifié. (A condition de bien travailler son offre et son tunnel de conversion évidemment).

Discover demande plus d’efforts, car Google change les règles de plus en plus souvent. Cette techno requiert aussi plus que jamais une grande polyvalence : pour bien manager son audience, il faut être à la fois expert éditorial, mais aussi marketeux, et un peu technicien.

Pour bien piloter tout cela, il nécessite surtout d’avoir une vision stratégique : comment créer de la valeur pour son média à court, moyen et long terme. Et cela passe par la définition fine du rôle attribué à chaque contenu : faire de l’audience, de la notoriété ou image de marque, de la fidélisation, du recrutement d’abonné… Complexe, mais passionnant.

PS : merci encore aux trois experts du sujet qui m’ont partagé leur précieux savoir : Elodie Mandel, Virginie Clève et Benoît Campagne.

Cyrille Frank
Directeur de la formation et de la transformation numérique chez CosaVostra
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Crédit photo de la une : Daniel Romero en CC via Unsplash