Studio de VTuber - 3D

Le phénomène des influenceurs virtuels s’affirme et arrive sur vos écrans. Vous vous sentez autant à la ramasse que la première fois que vous avez entendu parlé de “NFT” ou “ChatGPT” ? On vous explique.

Pourquoi le V-Tubing se développe autant ?
Pour prolonger la réflexion, on vous conseille la newsletter mensuelle de Gerald Holubowicz sur les médias synthétiques, baptisée SYNTH Je découvre

Vous connaissez les V-Tubers ?

Phénomène venu tout droit du Japon et déjà populaire en Asie, les V-Tubers (pour Virtual Youtuber) sont des influenceurs matérialisés par des avatars virtuels, grâce aux technologies de captation du mouvement et d’incrustation.

CodeMiko, Streameuse Sud-Coréenne

CodeMiko, V-Tuber Sud-Coréenne.

Certains d’entre eux comptabilisent déjà plusieurs millions d’abonnés comme KizunaAI, V-Tuber japonaise créée en 2016, et le phénomène prend de l’ampleur en France et dans le monde. Quelques faits d’armes : 

Le V-Tubing présente des avantages pour les créateurs et le marché

Pour les créateurs et les fans 

Le V-Tubing est de plus en plus simple d’accès : la captation et retranscription vidéo ou audio deviennent de plus en plus accessibles, surtout comparé à l’investissement que demande un studio de tournage. Des outils pour créer son avatar sont disponibles en ligne gratuitement. 

L’anonymat est aussi confortable, notamment sur les réseaux sociaux où les streameuses sont trop souvent victimes de harcèlement. Les communautés qui se créent autour de la pratique du V-Tubing prônent la bienveillance et le respect, et sont souvent des cercles d’entraide.  

Après l’Asie, le V-Tubing se développe aussi beaucoup aux États-Unis et en France. Ce n’est pas un hasard, puisque les deux pays sont parmi les premiers consommateurs de culture nippone et plus largement asiatique (univers manga/anime, musique, jeux vidéos), univers de prédilection des avatars des VTubeurs. 

C’est aussi un business juteux. 

Depuis 2010, le segment du V-Tubing se professionnalise avec des agences spécialisées pour les influenceurs V-Tubers. Anycolor par exemple, créé en 2017, gère plus de 200 V-Tubers et dépasse le milliard de valorisation à la bourse de Tokyo. 

Par rapport à un influenceur “classique”, les avantages sont nombreux et le rapport de force penche vers les agences : 

  • Pas de dépendance à un influenceur “star”. Un V-Tuber peut être incarné par plusieurs personnes. 
  • De facto, sa durée de vie est théoriquement illimitée.
  • Malléabilité de l’image. Elle peut être manipulée et s’intégrer parfaitement dans plusieurs univers de marques. Que ce soit pour des entreprises pharmaceutiques, des compagnies aériennes ou des entreprises dans le secteur des énergies renouvelables

À voir : “Le Show de Waldo” de la série Black Mirror

Et la tendance va très certainement continuer de s’affirmer avec le développement des metaverses. Seul frein encore à ce stade : l’adoption par le public. Mais les générations les plus jeunes se montrent très réceptives : à titre d’exemple, on a déjà eu les concerts virtuels de Travis Scott, ou encore les concerts bien réels des stars virtuels de League of Legends.

Enfin, les marques qui ont déjà des figures connues vont pouvoir y trouver une façon de capitaliser sur leurs IP : en témoigne SEGA avec Sonic et Miles

Mais le phénomène se heurte à des freins, limites et questionnements

Pour le moment, le V-Tubing est limité à l’entertainment (concert, réseaux sociaux, films…). Les contenus qui sortent de cette thématique rencontrent peu de succès. 

De plus, le besoin d’authenticité qui a ressurgit ces dernières années vient s’opposer à l’artificialité de ces avatars. En témoignent l’émergence de réseaux comme BeReal ou l’instauration d’une relation sans artifice (#nofilter) entre influenceur et abonnés.  

Les avatars de V-Tubers sont même parfois justement faits pour se détacher de toute comparaison physique avec la réalité, et vont jusqu’à représenter des animaux ou des aliens. À une époque, on regardait bien tous Bill sur notre télé…

Bill, el fenomeno du BigDil

Mais la vaste majorité des avatars rencontrés sur Youtube ou Twitch aujourd’hui tendent à se rapprocher d’idéaux et représentations stéréotypés. 

Dans une moindre mesure, peuvent être caractérisé d’avatar toute représentation qui déforme la réalité, allant parfois jusqu’à la tromper. Des filtres par exemple. Moindre mesure, mais même risques. 

En 2019, 1 à 2,4% de la population était atteint de trouble dysmorphophobique. Et aujourd’hui alors ? La qualité des filtres en Réalité Virtuelle qu’offre TikTok est si bluffante qu’ils deviennent difficiles à identifier comme tels. Aparté intéressante : si le trouble dysmorphique est l’une des conséquences des réseaux sociaux, alors le “phantom timeline syndrome” serait la conséquence des métaverses. 

Et si ce brouillage entre “réalité” et  “monde virtuel” vous semble encore lointain, sachez que l’on utilise déjà des deepfakes dans des publicités, et on rajeunit des acteurs dans des films. Si ces pratiques se démocratisent, où est le mal à se demander si les apparitions télévisées de Joe Biden sont bien réelles

Jusqu’au ira cette virtualisation médiatique ? 

Existe-t-il un monde (spoiler : le métavers) où les VTubeurs se retrouveront à présenter des journaux télévisés ? Est-ce que TF1, M6 ou Canal+ seront amenés à investir dans leurs propres avatars ?

Est-ce que des avatars pourront représenter des communautés ? des entreprises ? des DAO ? Et si le Hugo Décrypte de demain était un VTubeur ? Fidèle représentant d’une génération et avec les codes de celles-ci ? 

Est-ce qu’une fonctionnalité sur Youtube ou Twitch permettra prochainement de personnaliser l’avatar des influenceurs que l’on suit ? De la même façon qu’on choisit aujourd’hui la voix de Siri ou de notre GPS ? 

Pleins d’applications possibles. Reste à voir si elles se traduiront en usage, et donc si elles sont bien pertinentes. Bulle à venir ou révolution des usages ?