Les podcasts natifs sont de plus en plus connus et écoutés. Pourtant, le modèle publicitaire ne décolle pas, et la production en marque blanche montre ses limites. 

Podcasts natifs : pas de crise, mais déjà la fin de l’euphorie
Pourquoi le podcast peine (toujours) à trouver son modèle d’affaire Par ici, en avant !

La 6e édition du Paris Podcast Festival s’est tenue les 13 et 14 octobre 2023. A cette occasion, le dernier baromètre du podcast natif (pdf) réalisé avec CSA et Havas Paris révèle une augmentation sensible des écoutes. L’étude s’appuie sur un panel de 1018 personnes interrogées en août 2023.

  • Le podcast natif sort peu à peu de l’ombre. Si en 2022, seulement 31% des Français savaient ce qu’était un podcast natif, ils sont aujourd’hui 40% (+9% de notoriété).  
  • Logiquement, le taux d’écoute est en hausse. 37% des Français et Françaises déclarent en écouter, soit un bond de 5% par rapport à 2022. 

Les auditeurs ne sont pas seulement plus nombreux, mais ils sont aussi plus assidus. La durée moyenne d’écoute augmente :

  • 33% écoutent des émissions de 10 à 15 minutes (+4 points vs 2022). 
  • 50% écoutent désormais des émissions de plus de 15 mn (+7 points vs 2022) 
  • 73% des auditeurs et auditrices hebdomadaires déclarent avoir augmenté leur consommation de podcasts natifs

Toutefois, si l’on regarde le verre à moitié vide, on constate que 60% des Français ne sont toujours pas familiers avec ce format ; D’ailleurs, 61% des auditeurs écoutent des podcasts depuis moins d’un an. 

Le profil de l’auditeur de podcast natif reste encore assez restreint avec ce portrait robot qui n’évolue pas beaucoup :

La publicité au kilo ne paye pas

L’absence d’un marché de masse, mais aussi le manque d’outils de mesure fiables et unifiés ne facilitent pas le décollage publicitaire, notamment programmatique.

Comme l’explique bien Laura Pironnet, l’un des freins au développement de la monétisation des podcasts est lié au manque de statistiques. 

“Les producteurs ont accès à peu d’informations concernant leurs audiences et il peut être difficile de bien connaître la typologie des auditeurs touchés par une campagne publicitaire. Parmi les informations difficiles, voire impossibles à obtenir, on trouve : l’âge, la profession, la provenance géographique précise, la catégorie socio-professionnelle, etc.”

Ce manque de visibilité nuit aux podcasts dans un plan média mixte. Les agences préfèrent souvent un autre média plus lisible pour tenir leurs objectifs quantitatifs et qualitatifs et rassurer leurs clients.

La fin de l’euphorie, mais pas la fin du support

On a assisté à une une vague de rachats des studios de production qui a laissé dire à certains qu’on assistait à l’éclatement de la bulle du podcast :

  • En juillet 2022, l’application d’écoute Majelan, connue pour ses livres audio et ses contenus de développement personnel, était rachetée par l’agence de presse française ETX Studio
  • En septembre 2022 Les Nouvelles Écoutes était racheté par le suédois PodX Group 
  • Fin 2022, Louie Media (Émotions) a vu près de la moitié de son capital racheté par CMI France
  • Début 2023, Binge Audio cédait la majorité de ses parts à Paradiso media

Mais selon Christofer Ciminelli, cofondateur et CEO d’Orso Media, la crise du marché podcast est surtout celle des studio et des podcasts en marque blanche, comme il l’explique dans cet épisode de Médiarama

“S’il y a une crise, c’est celle du modèle adopté par certains acteurs du marché, plus qu’une crise du support en tant que tel. Quel était ce modèle ? J’ai une activité studio avec laquelle je produit des podcasts de très très bonne qualité, financés par une activité de  création de podcasts pour les marques. Est-ce un modèle si sain ? C’est comme si je créais un produit difficile à monétiser et pour compenser, je crée un deuxième produit”. 

“Il y a eu une hype autour du podcast de marque, mais on est en période économique un peu plus contrainte, les boîtes font des arbitrages budgétaires. Il y a moins d’argent mis sur les podcasts…”

L’économie du podcast pour être viable doit être pensée, autour d’une diversification au-delà de la publicité : événements sponsorisés, guides et ressources. A l’image de Bliss qui, à partir de son podcast sur la maternité, a créé tout une série de produits et services.

L’intelligence artificielle, menace ou opportunité pour le podcast ?

Une table ronde a été consacrée lors du festival à cette question. Les intervenants, dont Christofer Ciminelli, Mathieu Genelle, Benoit Dunaigre et Théo Albaric, ont discuté des avantages et des challenges que représente l’IA pour les podcasteurs.

Tous s’accordent à dire que, si l’IA ne remplacera pas le podcasteur, elle peut automatiser certaines tâches et permettre aux créateurs de se concentrer sur des aspects plus créatifs.

En effet, l’IA peut être utilisée pour différentes étapes de la production d’un podcast : 

  • Pré-production : Des outils comme ChatGPT et Sudowrite peuvent aider à la rédaction et à la relecture des trames, en fonction ou non d’un persona. 
  • Post-production : Des logiciels tels qu’IZotope RX, Goyo, Descript et Adobe Podcast peuvent améliorer la qualité sonore et faciliter la synchronisation.
  • Identité visuelle : Des outils comme Midjourney ou Adobe Firefly permettent de créer des designs à partir d’un modèle réalisé par un humain.

Vers un futur rayonnant ?

L’économie du podcast natif est donc toujours en construction et perfectionnement. L’usage continue de progresser tant en couverture qu’en intensité. Tôt ou tard le marché publicitaire saura exploiter à son juste niveau ces usages et qualité de l’attention. En attendant, de nombreux créateurs tirent déjà leur épingle du jeu en diversifiant leurs activités autour de la marque média et du lien de confiance qu’ils ont su établir avec leur audience. Les médias devraient s’en inspirer…

[Par Orlane Tonani-Guéguen, assistante de production de podcasts / éditing de Cyrille Frank]