Comment gagner de l’argent avec la publicité ou l’abonnement
Après plusieurs années de professionnalisation du marché du podcast, les modèles de revenus traditionnels de l’abonnement et de la publicité sont testés, éprouvés et parfois approuvés. Résumé des bonnes pratiques observées sur le secteur.
1. La publicité programmée
C’est le modèle des régies publicitaires, comme on peut le connaître dans les radios.
Certains hébergeurs de podcast comme Ausha proposent une fonctionnalité de monétisation automatique, via des régies partenaires. Les producteurs peuvent ouvrir leur podcast à des annonceurs intéressés. Pour ce faire, ils sélectionnent les secteurs d’activités avec lesquels ils acceptent de s’associer, sans pour autant avoir le dernier mot sur l’annonceur précis. A la fin d’une campagne réalisée, les producteurs perçoivent 60% des revenus générés.
✅ Bonnes pratiques
- Choisir une thématique porteuse. Sur le plan économique, mieux vaut un podcast sur le people que sur les scies industrielles, car il va falloir faire du volume d’audience ! C’est un choix à considérer dès la création du podcast, si l’on veut absolument le monétiser.
- Atteindre un certain seuil d’audience, en deçà duquel vous n’intéressez pas les régies d’achat média. Parfois, ce sont les plateformes de monétisation qui fixent ce seuil. Par exemple, l’hébergeur Ausha propose de la monétisation automatique à partir de 5000 écoutes mensuelles cumulées sur les 30 derniers jours. Les podcasts indépendants peuvent donc se lancer vite si leurs audiences le permettent.
- Bien choisir les annonceurs (soigner le « matching »). En effet, il vaut mieux prendre le temps de sélectionner les secteurs avec lesquels s’associer, sous peine d’avoir des auditeurs et auditrices surpris et sceptiques. Si un podcast d’actualité défend ardemment la cause écologique et incite ses auditeurs à contribuer à des pratiques durables, il peut être gênant de se retrouver avec une publicité pour des acteurs pétroliers ou pour des événements polémiques comme la Coupe du monde de football au Qatar.
- Si le succès est au rendez-vous, ne pas se limiter à l’automatique. Le modèle de la publicité automatique, s’il a ses avantages pour démarrer la monétisation, peut rapidement atteindre certaines limites : pas de choix réel du sponsor, pas de prise sur les dates de campagnes, conflits d’intérêt éventuels avec l’éditorial, etc. L’étape suivante pour se développer consiste à développer une forme de sponsoring plus incarnée et personnalisée : le « host read », la publicité lue par par l’animateur du podcast.
2. La publicité en “host read”
Il s’agit davantage d’un partenariat entre l’annonceur et le producteur, qui donne lieu à un message personnalisé et incarné. Le podcast et la personne qui l’anime apportent une caution. Ce qui explique des coûts plus élevés dans ce format, versus la publicité programmée.
Le label Orso Média qui représente une vingtaine de podcasts autour de la finance, du business, et de l’entrepreneuriat, propose aux marques intéressées ce format de mise en avant. Toutes productions labellisées confondues, le CPM (coût pour milles écoutes) avoisinait les 120 euros au début de l’année 2022. Un tarif nettement supérieur aux tarifs habituels mais qui s’explique par le partenariat proposé : un matching entre les parties, un brief, un script original, des call to action personnalisés, mis à jour sur la durée, trackés, un suivi des résultats, etc.
Dans les deux cas, on parle généralement d’un spot de 30 secondes à 1 minute, placé soit en début (pré-roll), en milieu (mid-roll) ou en fin d’épisode (post-roll).
C’est un format plutôt populaire, si l’on en croit l’édition 2022 de l’étude “Les Français.e.s et le podcast natif”. Les auditeur.ice.s hebdomadaires de podcasts natifs préfèrent à 41% les publicités en “host read” (versus 33% pour la publicité classique).
✅ Bonnes pratiques
- Bien choisir l’annonceur avec lequel on s’associe. C’est toujours une histoire d’alchimie de valeurs et de représentations entre la marque et le podcast. Les podcasteurs les plus précautionneux testent les produits et services de leurs futurs partenaires pour s’assurer de leur valeur. Un bon moyen de s’assurer que l’on est prêt à représenter une marque. On s’approche ici vraiment des pratiques d’influence, telles qu’on peut les connaître sur les réseaux sociaux.
- Aller chercher soi-même des annonceurs pour fixer ses conditions. S’il s’agit de podcasts de niche, avec une audience moins importante mais très ciblée, il peut être plus simple de trouver un annonceur prêt à financer. Même avec 2000 écoutes mensuelles, un annonceur spécialisé peut être intéressé – s’il touche exactement son cœur de cible.
- Créer un argumentaire de vente solide qui peut s’appuyer, soit sur des données quantitatives (classiquement le nombre d’écoutes mensuelles ou par épisode), soit sur des données qualitatives (la connaissance fine des audiences fidèles du podcast).
- Ne pas se presser pour trouver le bon partenaire, il vaut mieux viser le long terme que le « coup rapide » qui peut se révéler contreproductif. Il faut que le partenaire soit aligné avec la ligne éditoriale et l’objectif du podcast dès les premiers échanges.
- Être transparent avec le public, avec ses partenaires. Concrètement, il peut arriver qu’un sponsor soit un concurrent d’un de vos invités. Le mieux est toujours d’être le plus transparent possible et d’annoncer en amont votre politique à vos invités. Si la perte de confiance auprès des auditeurs est terrible, la perte de confiance des partenaires peut aussi se révéler préjudiciable.
- Ne pas hésiter à tester les messages et à tracker les renvois. Pour un même annonceurs, si vous avez les ressources, vous pouvez a-b tester vos messages pour analyser si certains sont plus convaincants que d’autres. L’avantage du host read est qu’à la fin du message, vous pouvez renvoyer vos auditeurs et auditrices vers un lien tracké, qui permettra à l’annonceur de suivre l’impact de la campagne.
- Projeter et choyer ses partenaires. Que ce soit avant la campagne en leur envoyant des extraits, que pendant en variant les messages pour s’adapter au mieux à ses besoins ou en le valorisant sur les différents canaux du podcast (newsletter, site web, événements, réseaux sociaux, etc.)
- Demander le retour de ses auditeurs. Après une ou plusieurs campagnes, il peut être pertinent de sonder son audience en lui demandant directement ce qu’elle a pensé de tel ou tel message : était-il compréhensible ? Les a-t-il incité à se renseigner, voire à acheter le produit ? Vous aurez peut-être des retours spontanés si votre communauté est déjà active. Cela reste le meilleur moyen de savoir si vous faites le bon choix.
- Toujours faire le choix de la qualité. On observe tout de même de meilleurs résultats pour les publicités en host read qui sont plus personnalisées, plus incarnées, et plus convaincantes. Ce format est vendu plus cher aux annonceurs mais permet d’offrir une expérience plus poussée à son audience.
Ndlr : Certaines des bonnes pratiques listées ici sont été ajoutées suite à la publication de l’article et à des suggestions de lecteurs et lectrices.
3. La vente de contenus aux plateformes
Certaines plateformes d’écoutes et notamment Spotify proposent des contenus inédits. Ces productions sont prises en charge par Spotify qui accorde une enveloppe budgétaire globale, comprenant plus ou moins d’options (un.e musicien.ne à disposition par exemple). Si les montants proposés varient d’un producteur à un autre, Spotify ne souhaite pas répondre sur les montants exacts.
Les podcasts sont en totale exclusivité, soit depuis le début comme le podcast L’Heure du monde (Le Monde, dont les autres productions ne sont pas des exclusivités Spotify), soit sur une partie des épisodes comme la saison 3 de Mythes et Légendes (Maison d’Édition Quelle Histoire !) ou la saison 6 de La Poudre (Lauren Bastide).
4.a L’abonnement freemium
Il s’agit de l’association d’un modèle gratuit et d’un modèle payant. L’utilisateur (dans notre cas, l’auditeur) retrouve une partie des productions de podcasts gratuitement, tandis qu’une autre partie nécessite de s’abonner.
✅ Bonnes pratiques
- S’appuyer sur une personnalité médiatique. Europe 1 a notamment déployé ce modèle pour son célèbre émission Hondelatte raconte, devenue une véritable marque de contenus. Désormais, si un auditeur tape “Hondelatte raconte” sur Apple Podcasts, il a le choix entre écouter les épisodes classiques diffusés en replay de la radio et s’abonner à “Hondelatte premium” (2,29 euros par mois ou 24,29 euros par an).
- Produire des contenus exclusifs. L’offre d’Europe 1 donne accès aux épisodes en avant-première, mais également à des séries et archives inédites. C’est un impératif pour convaincre les auditeurs les plus fidèles de sauter le pas de l’abonnement. On reprend l’analogie du modèle en perte de vitesse des coffrets DVD qui proposent des bonus avec les coulisses du film ou de la série.
- Attendre une certaine notoriété du podcast. La totalité des producteurs ayant choisi de se lancer dans un modèle freemium ont d’abord commencé par diffuser leurs épisodes gratuitement, afin de générer un intérêt suffisamment fort pour leur contenu, avant de convaincre d’en vouloir plus.
4.b L’abonnement 100% payant
Qui suppose qu’aucun épisode ni contenu hors-série du podcast n’est disponible gratuitement.
Dans ce cas, le producteur s’associe à une plateforme de diffusion qui propose un accès payant aux épisodes. Paradiso héberge par exemple le podcast pour enfants Diso sur Anchor en proposant un abonnement à 2,99 euros par mois avec un accès exclusif sur Spotify (qui a racheté Anchor en 2020).
Autre exemple avec Binge Audio, qui produit La Dose, le propose en accès payant à 5,99 euros par mois ou 49,99 euros par an, en exclusivité sur Apple Podcasts. L’auditeur qui souscrit à l’abonnement en plus d’accéder à La Dose peut écouter une sélection d’autres podcasts du studio (comme Kiffe ta race, Le cœur sur la table, A bientôt de te revoir, etc.) sans publicité.
Ces modèles d’abonnement ne sont proposés que depuis peu par les plateformes : depuis avril 2021 pour Apple Podcasts et fin 2021 pour Spotify. Côté producteurs, le modèle séduit ceux qui disposent déjà d’un catalogue de contenus relativement large et qui peuvent se permettre de le tester sur l’une de leurs productions.
✅ Bonnes pratiques
- Choisir la bonne audience. Si vous visez des auditeurs qui ont entre 18 et 25 ans, on peut penser qu’ils n’auront pas forcément encore les moyens de se payer un abonnement. Si votre podcast s’adresse aux enfants, ce ne sont pas eux qui vont payer, il faudra donc convaincre une autre cible que celle des épisodes : les prescripteurs (en l’occurrence, les parents).
- Faire un comparatif de votre offre. Regardez ce que font vos concurrents directs et indirects. Beaucoup d’autres proposent-ils des abonnements ? Ou au contraire, êtes-vous le seul à le proposer ? La rareté favorise bien sûr le succès de ce modèle payant, si tant est que le contenu reste de qualité et attractif bien évidemment.
- Faire de la pédagogie. Beaucoup de Français ne connaissent pas encore le podcast, ses modes et usages d’écoute. Vous devrez en sus expliquer les rouages du modèle payant : le mode de diffusion, les spécificités d’écoutes en fonction de la plateforme de diffusion, les modalités de paiement qui sont mensuelles ou annuelles, le renouvellement, etc. Il ne faut pas lésiner sur la pédagogie.
- Communiquer, communiquer, communiquer. En lançant une offre payante, à moins qu’il ne s’agisse d’une exclusivité d’une plateforme comme Spotify, vous ne bénéficierez pas d’une visibilité spéciale. Pour que les auditeurs tombent sur votre podcast, il va falloir assurer une bonne communication. Pour poursuivre sur l’exemple de Binge Audio, pour susciter l’intérêt de sa communauté, le studio a lancé tout une campagne de « post-rolls » (annonce à la fin d’une video) sur ses autres productions.
4.c L’abonnement mixte
Notamment pour les médias traditionnels qui proposent un accès à des contenus audios dans leur offre d’abonnement.
Dans ce cas, le podcast devient soit un produit d’appel, soit un produit bonus pour une offre d’abonnement plus générale (articles web, journal papier, etc.). L’audio devient un contenu journalistique parmi d’autres formats et vient renforcer l’attractivité de la marque média.
C’est le cas des titres Le Point ou Sud Ouest qui mentionnent le podcast parmi les contenus exclusifs inclus dans leurs différents abonnements.
✅ Bonnes pratiques
- Ne pas tarder à passer au payant/mixte. Si votre podcast est totalement gratuit depuis 5 ans, même avec une audience fidèle, vous aurez des difficultés à argumenter un passage au tout payant (il y a sûrement un juste milieu à trouver avec du freemium). D’un autre côté, si votre podcast se lance, il peut être plus simple d’expliquer pourquoi vos épisodes sont en partie ou totalement payants. Prenons l’exemple de Mathieu Genelle, le créateur du podcast pour enfants Les P’tites Histoires. Après un passage par le modèle publicitaire assez peu apprécié par les parents, il a choisi de proposer une formule d’abonnement. Les réactions ont été mitigées, certains parents ne voulant pas aller jusqu’au paiement.
- Expliquer ce choix. Les podcasts payants sont assez marginaux, la grande majorité est accessible gratuitement. Il est donc important d’expliquer à son audience pourquoi on lui demande de payer. A quoi l’argent récolté va-t-il servir ? Est-ce que l’abonnement rapporte autre chose que les épisodes classiques ? y a t’il des bonus ? etc. Se lancer dès le départ sur de l’abonnement peut donc être un choix salvateur s’il est assumé. Les personnes intéressées sont prévenues dès le début des modalités d’écoute.
- Mixer les stratégies. Certains studios de production comme Binge Audio ont choisi de lancer un de leurs podcasts avec une formule d’abonnement. En ne proposant qu’un seul podcast payant, ils testent l’attractivité de l’offre auprès de leur audience existante. C’est un moyen de ne pas tout miser sur une stratégie, afin de diluer le risque.
Les modèles traditionnels de revenus abonnement-publicité ne se transfèrent pas si facilement au podcast. La maturité du marché et les usages des auditeurs challengent les vieux modèles, les poussant à s’adapter. Il reste que beaucoup de pédagogie et de professionnalisme doivent être employés avec rigueur pour convaincre le public et les annonceurs de jouer le jeu.
>> A lire aussi : pourquoi le podcast peine (toujours) à trouver son modèle d’affaire
Ndlr : suite à la publication de l’article, plusieurs lecteurs et lectrices nous ont mentionné le système de financement par le don, au travers de plateformes comme Tipeee ou Patreon.
Les podcasts Méta de choc d’Elisabeth Feytit, Passé Re-composé de Mélie Al Nasr, Passion Médiéviste de Fanny Cohen Moreau ou encore Simon et Simone vivent des dons de leurs auditeurs et auditrices. Damien Douani nous a aussi mentionné d’autres podcasts comme Silicon Carne de Carlos Diaz qui vont encore plus loin en incluant leurs auditeurs au travers l’achat de NFT – ses auditeurs propriétaires de NFT touchent un pourcentage des revenus du podcast. Le sujet méritant un traitement à part entière, nous projetons d’y dédier un prochain article.
Merci en tout cas à tous ces commentateurs avisés qui enrichissent cet article !
Crédit photo de la une : Alice Moore en CC via Splash